Le Special Purpose Vehicule (SPV) s’est progressivement imposé comme un outil de structuration des levées de fonds dans l’écosystème français des startups. Cette société holding, dont l’unique objet est d’investir dans une entreprise cible, répond à des besoins concrets de simplification et d’organisation du capital. Développé notamment par des legaltechs comme Blockpulse en partenariat avec France Angels, le SPV mérite d’être compris dans ses mécanismes et ses implications pratiques.
Fonctionnement et structure juridique du SPV
Un SPV est une société commerciale, généralement constituée sous forme de SAS (Société par Actions Simplifiée), qui regroupe plusieurs investisseurs pour investir collectivement dans une startup. La forme SAS est privilégiée pour sa souplesse et sa compatibilité avec les dispositifs PEA et PEA PME. Les plateformes spécialisées créent souvent des SAS unipersonnelles à capital variable, permettant une gestion flexible des entrées et sorties d’investisseurs.
L’intérêt principal du SPV réside dans sa capacité à regrouper de nombreux investisseurs sans complexifier la gouvernance de la startup. Au lieu d’avoir trente ou quarante actionnaires directs, la startup n’a qu’un seul interlocuteur : le SPV représenté par son président. Cette centralisation facilite les prises de décision et les assemblées générales tout en permettant à davantage d’investisseurs de participer au financement.
Critères pour envisager un SPV
La pertinence d’un SPV dépend de plusieurs facteurs objectifs. L’expérience montre qu’un SPV devient intéressant à partir de 200 000 euros de levée de fonds ou lorsque le nombre d’investisseurs dépasse une quinzaine de personnes. En dessous de ces seuils, les coûts et obligations administratives peuvent rendre l’investissement direct plus simple et économique.
Les clubs de business angels utilisent fréquemment le format SPV pour leurs co-investissements, car il permet de gérer efficacement les participations multiples de leurs membres. Un club regroupant plusieurs dizaines d’investisseurs peut ainsi investir via une structure unique, évitant la complexité administrative de multiples entrées individuelles au capital.
Le SPV prend également son sens lorsque les tickets d’investissement sont variés.
Cette flexibilité élargit le cercle des investisseurs potentiels sans diluer excessivement la table de capitalisation.
Avantages concrets pour les investisseurs
Les business angels trouvent plusieurs bénéfices dans l’investissement via SPV. Le ticket d’entrée plus accessible permet à des investisseurs avec des capacités financières moindres de participer. L’investissement en SPV peut dès lors s’inscrire dans une stratégie de diversification.
Le regroupement au sein d’un SPV augmente le poids décisionnel collectif. Trente investisseurs détenant chacun 0,25% en direct peuvent représenter collectivement 7 à 8% du capital via un SPV, leur donnant ainsi une voix plus forte dans les décisions importantes et souvent une place au conseil d’administration.
Contrairement aux craintes fréquentes, l’investissement via SPV maintient l’éligibilité aux dispositifs fiscaux avantageux. Les régimes PEA/PEA PME restent accessibles, l’éligibilité dépendant de la startup cible et non du véhicule. Les réductions d’impôt IR-PME et les avantages liés au statut JEI sont également préservés, le SPV agissant comme une structure transparente fiscalement.
Bénéfices pour les fondateurs
Pour les fondateurs, le SPV simplifie considérablement la gestion quotidienne. Un seul interlocuteur remplace des dizaines d’actionnaires individuels, facilitant l’organisation des assemblées générales et les prises de décision. Cette simplification devient cruciale lors de décisions urgentes ou de refinancements rapides.
Lors des tours ultérieurs avec des fonds institutionnels, un SPV bien structuré renforce la position de négociation. Les business angels unis représentent un bloc cohérent face aux fonds, permettant souvent d’obtenir de meilleures conditions, notamment sur les clauses de liquidité préférentielle.
Le SPV facilite également les refinancements. Les investisseurs déjà présents peuvent réinvestir facilement, et le véhicule peut déployer rapidement les fonds sans nécessiter d’assemblée générale complexe impliquant tous les actionnaires de la startup. Cette réactivité peut s’avérer déterminante dans des situations nécessitant un financement rapide.
Obligations et gestion pratique
Un SPV est une société à part entière avec ses obligations légales : immatriculation au greffe, nomination d’un président, tenue d’une comptabilité, organisation d’assemblées générales annuelles, gestion de la table de capitalisation et émission des attestations fiscales. Ces obligations, bien que simplifiées par rapport à une société opérationnelle, nécessitent une organisation rigoureuse.
Le choix du président du SPV est important. Il devrait idéalement s’agir d’un business angel leader du tour, et non du fondateur de la startup pour éviter les conflits d’intérêts. Le président représente les investisseurs auprès de la startup et siège souvent au conseil d’administration.
Les coûts de création et de gestion doivent être anticipés. Ils peuvent être provisionnés dès la levée (sur cinq ans par exemple) et payés par la startup ou les investisseurs, ou couverts par un montant supplémentaire levé par la startup (10 000 à 20 000 euros typiquement).
Optimisation fiscale et seuils importants
Pour bénéficier des régimes fiscaux avantageux applicables aux SPV en SAS (régime mère-fille pour les dividendes, régime des titres de participation pour les plus-values), certaines conditions doivent impérativement être réunies. Le SPV doit généralement détenir au moins 5 % du capital de la startup pendant une durée minimale de deux ans, ou s’engager à conserver les titres pendant cette durée.
Ces régimes permettent :
- une quasi-exonération des dividendes reçus de la startup (régime mère-fille, avec quote-part de 5 % réintégrée),
- une quasi-exonération des plus-values de cession de titres (régime des titres de participation, avec quote-part de 12 % imposable à l’IS).
En pratique, cela suppose une anticipation dès la structuration du tour, avec une attention particulière portée :
- à la nature comptable des titres (comptabilisés en titres de participation),
- à la durée et au niveau de détention,
- et à la démonstration d’une influence significative : typiquement via la présence du SPV au conseil d’administration ou comité stratégique, ou par la signature d’un pacte d’actionnaires renforcé.
Une mauvaise structuration peut entraîner un frottement fiscal important, avec double imposition (au niveau du SPV, puis des investisseurs), réduisant significativement le rendement de l’opération. Une planification fiscale rigoureuse en amont est donc indispensable pour sécuriser ces avantages.
Digitalisation du processus
Les plateformes comme Blockpulse ont considérablement simplifié la création et la gestion des SPV. Le dossier de création peut être généré en dix minutes, avec signature électronique de tous les documents. L’obtention du Kbis prend en moyenne sept jours une fois le dossier finalisé.
La fonctionnalité de “draft SPV” permet de sécuriser les engagements d’investissement avant même l’immatriculation. Les investisseurs réalisent leur KYC et confirment leur intention dans un espace dédié pendant le roadshow. Au moment du closing, ils n’ont plus qu’à signer leur bulletin de souscription et payer, accélérant considérablement le processus.
La gestion post-investissement est automatisée : mise à jour de la table de capitalisation, registre des mouvements, attestations fiscales. L’hébergement sous l’ordonnance blockchain permet une dématérialisation complète des registres.
Liquidité et marché secondaire
Le SPV offre des possibilités de liquidité partielle via l’organisation de sessions d’achat-vente entre actionnaires du SPV. Plus souple au sein des SPVs, les transactions peuvent s’effectuer en dehors des contraintes des pactes d’actionnaires de la startup, offrant une flexibilité appréciable dans un univers où la liquidité reste limitée.
Conseils pratiques pour les fondateurs
L’utilisation d’un SPV doit être réfléchie dès le début du roadshow, même si la mise en place intervient plus tard. Pour les premiers tours (pré-seed, seed), les business angels restent des interlocuteurs privilégiés, plus agiles que les fonds institutionnels sur des montants modestes.
La capacité à expliquer clairement les avantages du SPV aux investisseurs témoigne de la maturité du fondateur. Les outils de sécurisation des engagements comme le draft SPV permettent de transformer rapidement les intentions en investissements effectifs.
Le partenariat entre France Angels et Blockpulse est en alignement avec la stratégie de ” mutualisation et digitalisation ” des opérations de financement de France Angels. Elle permet aux réseaux membres de répondre de façon agile et plus forte aux demandes de financements en amorcage des startups de la FrenchTech. Il a permis la création de plus de vingt-cinq SPV en un an, avec des levées dépassant parfois 900 000 euros en réunissant plusieurs réseaux et investisseurs individuels. Ces résultats démontrent l’efficacité de cette approche pour structurer des tours de table complexes tout en maintenant une gouvernance simple et efficace pour la startup.
Pour en savoir plus sur le partenariat de France Angels et Blockpulse qui ambitionne de simplifier et faire évoluer l’activité des Business Angels.